Ouh, bordayl, que j’ai pu en entendre, des conseils merdico-validistes au cours de ma vie.

“T’as essayé X?”, qu’on me demande, genre je souffre parce que ça me fait plaisir, ou parce que je suis trop conne pour avoir cherché des solutions par moi-même pendant des années. Non, mes enfants ne feront pas de pataugeoire, de packing, de ponay. Non, je ne vais pas me mettre au yoga, à la course, au régime tout broccoli. Non, tel complément alimentaire ne marche pas. Non, je ne compte pas me faire opérer.

“Il faut perdre du poids”, qu’on me dit. D’accord, alors coupons-moi un bras direct (le droit, que je me suis bousillé en faisant du roller pendant cinq minutes en début d’année, tant qu’à faire!). Parce que c’est un cercle vicieux, mes soucis de santé physique et mentale. J’angoisse du dehors, super pratique pour marcher. Et puis marcher quand on a des abcès, c’est pas génial—j’ai déjà du mal à m’asseoir, et même des fois à m’allonger, alors tu penses bien que marcher, j’évite!

“Pour réussir, il faut être consistent dans son travail”, que je lis partout. Et quand tu peux pas, parce que tu es malade et fatigué·e, tu fais quoi, tu renonces à tout? Quand tu ne peux pas faire huit heures de travail cinq jours par semaine, autant ne rien faire?

Heureusement, j’ai devant moi des preuves que les conseils validistes ne marchent pas. Combien d’ami·e·s qui travaillent comme des forcené·e·s ne gagnent pas assez pour vivre? Trop. Des gens talentueux, qui bossent dur, qui se donnent à fond, et qui au final n’arrivent pas aux résultats espérés.

Et puisque pour la société l’important n’est que de se réaliser financièrement, en fait, on ne voit pas que tous ces gens font des choses merveilleuses. Qu’ils écrivent des bouquins qui touchent leurs lecteurs. Que leurs actions ont des ramifications dans le destin des autres. Qu’ils embellissent les journées des autres par leur existence.

Je suis persuadée qu’on peut être accompli·e sans vivre une vie de validiste. On n’en est pas tous capables, et même ceux qui en sont capables finissent en burnout, à force. Parce que tout ce qui est bon et doux dans nos vies doit immédiatement être transformé en revenus.

Et, je comprends tout à fait qu’on a besoin de souxes pour vivre. Je comprends que les gens veuillent en gagner, assez pour vivre confortablement. Mais je commence à douter de plus en plus de l’obligation de se tuer à la tâche pour y parvenir—comme si c’était un Graal à atteindre, pour avoir le droit de gagner sa vie.

Je veux vivre slow. Je veux vivre heureuse. Je veux vivre de mes passions, sans pour autant en devenir esclave ou victime. Parce que ça pue, de devoir se dégoûter de ce qu’on aime pour le fric, je trouve.

Je veux écrire, et écrire comme j’en ai envie. Je veux que mes mots touchent les gens, évoquent quelque chose chez eux. Je veux que ça leur donne envie de me répondre, car je suis friande de connexion, mais je veux aussi que ça les aide à changer leur vie pour le mieux, ou à réfléchir à des choses qui les porteront vers un mieux-être. Ou tout simplement les amuser, aussi, parce qu’être joyeux c’est important. S’émerveiller, c’est important. Rêver, c’est important.

Je veux créer, avec n’importe quel art, sans me forcer à rester dans une niche en particulier, car en tant que multipotientielle je ne suis heureuse que quand je passe de hobby à hobby, butinant les activités qui m’amènent du plaisir. Parce que sinon je me dégoûte vite de toujours faire la même chose, mais pourtant je revisite volontiers d’anciennes obsessions si c’est le bon moment pour moi, et que je peux, en plus, les jumeler avec quelque chose d’inédit.

Je n’ai pas envie de faire la même chose tous les jours. Je suis chanceuse, j’ai le luxe de pouvoir faire ce que je veux. Cela ne m’empêche pas de faire des plans pour laisser un maximum d’argent à mes enfants à ma mort. Comme ils sont tous deux autistes, un avec plus de difficultés de communication et compréhension que l’autre, je veux leur épargner le plus de galères possible.

Alors c’est pour ça que j’aime les choses comme le passive income. Qui est pas passif, on est d’accord, car il faut créer—mais j’aime ça, moi, créer! Ce sont les revenus qui sont passifs. Mes anciens livres, mes anciens articles, mes anciennes illustrations, ils continuent à rapporter sans que je n’y fasse plus rien. Je me vois bien continuer comme ça. Et je me dis que pas mal de gens comme moi—neurodivergents, malades ou fatigués chroniques, handicapés—pourraient aussi y trouver un peu leur compte, ne serait-ce que pour arrondir leurs fins de mois.

J’ai cessé de travailler à ces activités en 2022 parce que dépression, tout ça… Mais je sens que l’envie de me remettre à créer revient, et ça me rend heureuse. Je vous promets de partager avec vous mon cheminement au fur et à mesure que je remets les pieds dans le bain de la créativité.

En attendant: prenez soin de vous. Envoyez les validistes chier. Et poupougnez-vous. On a qu’une vie, autant la vivre au mieux de nos possibilités.

2 Comments

  1. Patate des ténèbres

    Mais les articles arrivent en rafale par chez toi! C’est marrant (non) mais bien que cela fasse sept ans que je suis dans le métier-passion/ créatif, et donc sans le sous, lorsque l’on me pose des questions sur mon planning, je désigne les phases créatives écriture/ dessin comme “rien”, alors que le volet communication et réseaux sociaux reste caractérisé. Je me suis plié à l’opinion de la masse, qui veut que créer, c’est au mieux enfantin, plus généralement inutile pour des adultes productifs.
    Pour moi, l’acte créatif est solitaire, et pendant longtemps, ce jugement silencieux sur ma non-productivité durant ces phases m’a “blessé”, je me sentais isolé, alors que ça n’était pas du tout le cas, vu que malgré tout, les sphères créatives sont toujours peuplées de nombreux gens bons 🙂 Il en faut des coups de pied retourné dans le fondement, pour ne pas céder à cette fameuse sirène productiviste, laissant les arts à des professionnels. Mais en rencontrant des gens comme toi, épouvantables marginaux, sûrement de gauche, wokiste et mangeurs d’enfants, l’on se sent rassuré, motivé et inspiré. Tant pis pour les autres, noyés dans un océan de grisaille, ce ne sont finalement pas eux, la norme.

    Reply
    • Nathalie Julien

      Merci de tes commentaires! 🙂

      Je pense que les gens qui ne sont pas artistes ne se rendent pas compte de l’importance du vide dans la création. Pour créer, il faut avoir l’espace de le faire. Quand tout est encombré (notamment le planning), il n’y a plus d’espace pour rêver, être inspiré, avoir envie de remplir ce vide de créativité.

      J’ai la chance aujourd’hui d’être avec quelqu’un qui comprend que 99% du temps de création, c’est justement ce travail-là, intérieur, qu’on ne voit pas et qu’il est impossible de quantifier. Mais j’ai aussi vécu avec des raclures de bidet qui pensaient que j’étais une feugnasse, alors je compatis!

      C’est aussi pour ça que c’est hyper important de s’entourer de personnes créatives comme nous. Et si possible, pas des valides, car même avec les autres artistes, nous n’avons pas le même rythme ni la même énergie!

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Féministe multipotentielle et omnipassionnée. Neurospicy, malade chronique, et assidue de la slow life.

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